Il suffit parfois de peu de chose pour déclencher une vocation. Pour le Dr Philippe Vanhée, vétérinaire passionné de rongeurs et installé en région parisienne, ce « déclencheur » a certainement été… son premier hamster ! Choisissant, pour le passage de sa thèse vétérinaire à l’issue de ses études, un sujet peu couru pour l’époque, il reconnaît que se « spécialiser » dans les NAC – nouveaux animaux de compagnie - relevait alors du challenge. Un pari sur l’avenir réussi pour ce vétérinaire chez qui cette passion n’a jamais faiblit.
Santévet : Qu’est-ce qui vous a incité à vous intéresser aux NAC, nouveaux animaux dd compagnie, et plus particulièrement les rongeurs ?
Dr Philippe Vanhée : Le rongeur est souvent le premier animal accepté par les parents pour leur enfant passionné d'animaux. Cela a été bien sûr le cas pour moi. Il s'agissait d'un hamster, qui a été baptisé 'Dam' pour’’hamster Dam’’ ! Pour la petite histoire, ce hamster avait été récupéré chez le vétérinaire qui soignait notre chat. Celui-ci avait récupéré ce hamster peu de temps avant, et ça a été plus facile de convaincre ma Maman. C'était pour la bonne cause !
C'est étrange, mais les éléments étaient déjà présent : Le Vétérinaire, et le Hamster...
Santévet : Les nouveaux animaux de compagnie étaient plus confidentiels que de nos jours ?
Dr Philippe Vanhée : Les rongeurs n'étaient pas confidentiels, mais le nombre d'espèces classiquement « domestiques » étaient plus réduites. Il y avait le hamster, le cochon d'Inde, les souris, mais ni le lapin nain ni les octodons ni les chinchillas qui étaient des animaux d'élevage spécialisés pour la fourrure.
Santévet : Vous spécialiser dans les rongeurs était-il un challenge. De même, faire votre thèse vétérinaire sur la pathologie des hamsters devait être un sujet « rare » ?
Dr Philippe Vanhée : Lorsqu'à la fin de l'école vétérinaire, vers 1982, il m'a fallu trouver un sujet de thèse, cela m'a paru évident... J'ai choisi la pathologie du hamster doré et les zoonoses éventuelles. Par contre, il fallait trouver un professeur qui veuille bien me chapeauter pour ce livre. Le Professeur Ducos de Lahitte, pour la zoologie, m'a regardé avec des yeux ronds, car ma proposition le surprenait. Il m'a dit qu'il était d'accord, mais qu'avant de prendre sa décision, je devais vérifier pour voir s'il y avait des informations la-dessus. Il m'a dit : « Mais il n'y a rien là dessus ! »
J'ai donc cherché, cherché, en Anglais, en Allemand... et suis revenu avec un embryon d'informations. C'était un challenge effectivement. Maigres étaient les articles, dans toutes les bibliothèques universitaires, même avec des échanges de livres dont certains étaient les seuls exemplaires en France. De plus, les ouvrages étrangers étaient à consulter sur place et les photocopies interdites - droits d'auteur obligent ! -, ce qui à l’heure actuelle paraît impensable.
J'ai ensuite été introduit par une sorte de solidarité en chaîne dans des animaleries de grands hôpitaux, à l'institut Pasteur. Tous étaient ravis de mon choix, et j'ai pu glaner des informations qui n'avaient jamais été publiées.
« On est loin du hamster d’autrefois. Certains rongeurs sont particulièrement subtils ! »
Santévet : Comment avez-vous vu évoluer cet engouement pour les NAC et plus particulièrement pour les rongeurs ?
Dr Philippe Vanhée : L'engouement pour les NAC et plus particulièrement pour les rongeurs vient d'une évolution progressive des animaux de compagnie, en particulier en ville, vers des animaux que l’on n’a pas besoin de sortir, d'une taille pas trop importante, avec lequel on peut échanger.
Le chat et les NAC voient leur nombre grandir par rapport aux chiens par exemple, et la taille moyenne des chiens diminue. On va vers du plus petit, et plus facile à emporter et à faire garder aussi.
Santévet : Comment l’expliquez-vous ? Est-ce que les rongeurs sont vraiment considérés comme des compagnons à part entière de la part des maîtres ou bien sont-ils parfois choisis comme « substitut » à un chien ou chat ?
Dr Philippe Vanhée : On est loin du tout hamster d'autrefois. Certains rongeurs sont particulièrement subtils, et valent bien en échange par rapport au chien ou au chat, ou sont un complément dans la famille à ces derniers.
Le choix d'un rongeur ou d'un lapin dans une famille devient raisonné en fonction de la présence d'enfants ou non et de l'âge de ceux-ci. Chaque espèce à ses qualités.
Santévet : Vous avez développé un site très complet. Cela doit vous prendre énormément de temps ?
Dr Philippe Vanhée : Effectivement, c'est très chronophage. La mise en place de départ a été très importante. Au jour d'aujourd'hui, nous continuons les mises à jour,et chaque mois une page de maladie au mois est rajoutée sur le site.
« Sur mon site Internet, ce que je veux décrire, ce sont de vraies maladies, pas celles qui sont dans les livres et que l’on ne rencontre jamais ! »
Santévet : Au vu des pathologies que vous détaillez sur votre site Internet, on peut se dire que ce sont des animaux en fait assez ‘’fragiles’’ ?
Dr Philippe Vanhée : Ce que je veux sur mon site [rongeurS.net, voir également encadré, Ndlr], c'est décrire de vraies maladies, pas celles qui sont dans les livres est qui sont tellement exceptionnelles que l'on ne rencontrera jamais.
Ainsi, je pars de cas cliniques et je les complète par les connaissances médicales actuelles. Les connaissances médicales des rongeurs sont aujourd'hui bien meilleures qu'autrefois et c'est très bien. Je contribue, à mon humble niveau, à l'évolution de la science. Certaines maladies n'avaient jamais été décrites avant, j'en suis très fier !
Maintenant, ces NAC sont ils plus fragiles que les autres ? Non, je ne le pense pas, mais 100 % de ceux que je vois sont malades, je suis vétérinaire... Mais je sais qu'ils ne sont pas si fragiles que ça, surtout si l’on respecte bien les règles que nous avons notées sur le site.
Nous avons des possibilités de prévention avec les vaccins chez le lapin et les ovariectomies, par exemple.
Santévet : Soigne-t-on un rongeur aussi « facilement » qu’un chien ou chat ? La médecine vétérinaire a-t-elle fait des avancées les concernant ?
Dr Philippe Vanhée : Les rongeurs et lapins ne se soignent pas comme les chiens et les chats, ni de la même façon en fonction des différentes espèces. Déjà, pour commencer, on a des herbivores, des omnivores, des granivores.Il y a beaucoup de faux amis : un chien ou un chat à la tête penchée, c'est un AVC ; chez un rongeur ou un lapin, c'est une otite de l'oreille interne. Cela n'a donc rien à voir... La médecine a bien sûr beaucoup progressé, et les connaissances vers le public des maladies en a été un moteur indéniable. J'œuvre dans ce sens, et ça a permis de sauver plus et plus de nos petits compagnons.
SantéVvet : Quelle est cette technique d’éviction des incisives que vous avez mise au point ? Les dents : est-ce un problème parmi les plus « important » et existe-t-il un moyen de le prévenir ?
Dr Philippe Vanhée : En 1983, je travaillais dans une clinique spécialisée en dentisterie. J'ai effectivement mis au point une technique pour retirer les incisives des lapins, résolvant d'une manière définitive les troubles de la croissance des dents de devant des lapins qui poussent continuellement d'environ 2mm par semaine. C'était là une énorme avancée pour soigner les lapins et en quelque sorte les guérir.
En effet les coupes de dents sont traumatisantes et finissent toujours en abcès dentaires très difficiles à soigner. Depuis, chez le lapin, d'autres solutions permettent de soigner les molaires aussi. Chez eux, pratiquement tous les problèmes dentaires sont solubles.
Santévet : Les maîtres sont-ils sensibilisés à la prévention ? Pour ce qui est du lapin domestique, cobaye et chinchilla, quelles sont les choses pour lesquelles il faut être vigilant et les moyens de prévention sur lesquels il est important de ne pas faire l’impasse ?
Dr Philippe Vanhée : Chez les cochons d'Inde et chinchillas, rongeurs herbivores, la qualité de l'alimentation est primordiale pour la prévention.
Chez les cochons d’Inde l'adjonction de vitamine C, spécifiquement.
La vie en groupe de ces deux espèces est aussi une chose indispensable, quitte à prévoir des stérilisations. Enfin, la prévention passe par le contrôle des fèces : la réduction de l'émission de crottes est un signe précoce d'une maladie insidieuse, mais très grave qui commence.
« La cohabitation entre chien, chat et NAC doit être strictement surveillée, sous peine d’accidents. »
Santévet : Ces rongeurs peuvent-ils vivre en bonne harmonie avec la famille et d’autres animaux ?
Dr Philippe Vanhée : Il faut toujours être attentif aux empreintes d'espèce : le chien ou le chat reste un prédateur potentiel, les rongeurs et lapins des proies potentielles. La cohabitation doit être strictement surveillée sous peine d'accident dramatique
Santévet : Les maîtres sont-ils aussi « demandeurs » de conseils d’entretien, d’éducation, d’alimentation, de communication, etc. ?
Dr Philippe Vanhée : Oui, d'ou la réalisation du site. Régulièrement, je renvoie mes clients vers le site. Car si nous avons créé le site, c'est qu'il nous est impossible de donner personnellement et individuellement les conseils. Nous préférons nous concentrer vers notre métier, soigner les animaux.
Santévet : Faire soigner son rongeur n’est pas toujours facile ; combien existe-t-il de vétérinaires « spécialisés » ; les échanges entre vous sont-ils fructueux ? Vient-on de loin pour faire soigner son animal, les cas référés sont-ils « quasi » obligés lorsqu’un maître cherche un vétérinaire qui connaît bien ce type d’animaux ?
Dr Philippe Vanhée : Oui, nous ne sommes pas très nombreux à aller aussi loin vis-à-vis des rongeurs et des lapins. Mais tous les praticiens nous connaissent et savent référer les cas délicats, lorsque cela est nécessaire, ou nous demander conseil. Certes, il faut parfois faire un peu de route, mais je rencontre tous les jours de tels clients motivés.
« Pouvoir assurer son lapin, son cochon d'Inde ou son chinchilla : c'est très bien de pouvoir le faire aujourd'hui. »
Santévet : L’entretien d’un rongeur est-il onéreux ?
Dr Philippe Vanhée : Question difficile. Tout dépend du rongeur, comme un chinchilla qui a besoin d'une grande cage, d'un lapin ou d'un cochon d'Inde à qui on crée un petit parc extérieur, un écureuil qui a besoin d'une volière, un rat avec sa nombreuse progéniture... Globalement, l'entretien alimentaire reste bon marché, même si on privilégie des aliments de qualité.
Santévet : Que pensez-vous de l’assurance santé animale qui s’intéresse désormais aux rongeurs ?
Dr Philippe Vanhée : Je pense que c'est une très bonne idée. Je soigne tous les jours des rongeurs et lapins, et régulièrement on me demandait pourquoi il n'existait pas d'assurance pour eux. Le chien ou le chat est assuré, et impossible d'assurer aussi le lapin qui est pourtant un membre de la famille. Il y avait vraiment une injustice.
Les coups durs, ça peut arriver, et être aidé à ce moment-là, c'est une réelle demande. Pouvoir assurer son lapin ou autre NAC, c'est bien de pouvoir le faire aujourd'hui.
Restera encore à voir pour les ratous, ou il existe aussi une demande... L'avenir nous le dira !
Propos recueillis par Claude Pacheteau
Les NAC : entre passion et « spécialisation » vétérinaire
Il n'y a pas de cursus de spécialisation NAC à proprement parler dans la formation vétérinaire française. « Chaque vétérinaire peut s'intéresser, puis se spécialiser ou non s'il le désire pour soigner les NAC », explique le Dr Philippe Vanhée.
« Certains de mes confrères préfèrent référer - faire suivre le cas - ; je les comprends », poursuit-il. « Les NAC sont souvent très différents des chiens ou des chats dans leur réponses aux traitement médicaux. J'accueille de nombreux cas référés, et je retourne un compte rendu au vétérinaire traitant de mes actions. »
Les vétérinaires disposent désormais de davantage moyens de se former en matière de médecine vétérinaire concernant les NAC : « Heureusement, il y a régulièrement des articles dans la presse écrite. Et on voit le jour de téléconférences, ce qui risque de faciliter l'avenir. La formation passe aussi par des listes de discussion de spécialiste sur internet répartis sur toute la France. »
C'est ainsi qu'en 1997 le Dr Philippe Vanhée se souvient avoir rencontré virtuellement Béatrice Fresquet en cours de préparation de sa thèse de doctorat sur la pathologie dentaire du lapin. « Nous étions deux sur cette liste à répondre sur les problèmes des rongeurs et lapins. J'ai alors créé quelques pages pour étayer les techniques pour les confrères et consœurs de la liste. »
« Assez vite, il nous est paru nécessaire de créer un site pour le grand public, car une bonne partie des maladies de ces animaux était due à une mauvaise connaissance des ces espèces associé à un environnement inadapté - alimentation comprise. RongeurS.net voit le jour en 1999, association à distance de nos deux compétences, sans qu'à l'époque on se soit rencontré, car le Dr Fresquet habitait dans le Sud, et moi en Ile-de-France. »
Salons animaliers : des vétérinaires à la rencontre du public
Après avoir créé le site RongeurS.net en 1999 avec une consœur – le tout premier sur Internet à voir le jour – le Dr Philippe Vanhée s’est rapproché du grand public, par le biais d’un célèbre salon animalier : Animal Expo. Celui-ci se tient chaque année au parc Floral, dans le bois de Vincennes.
Tous deux lancent donc en 2003 le secteur RongeurS sur ce salon et le font grandir jusqu’en 2006. « Avec le Dr Fresquet Mary, on s'est rendu au salon Animal Expo plusieurs année de suite en remarquant l'absence totale des Rongeurs et Lapins. M'est venue alors l'idée de contacter les organisateurs - à l'époque Véronique Oury -, qui nous a donné les moyens et l'espace pour une animation spécifique. Cela a pris le temps, deux ans, mais en 2003 l'aventure commence : prolongement du site, l'objectif est de faire connaitre les rongeurs et lapins comme animaux de compagnie, les spécificité de chacun, alimentation caractère besoin en cages... par des conférences et une présentation d'animaux vivants des différentes espèces et variétés inconnues du public avec des exposants venant de France, mais aussi de Belgique où les élevages étaient très en avance sur les nôtres. »
« Nous voulions montrer qu'il n'est pas utile de ponctionner la nature sur des espèces sauvages dont le maintient en captivité finissait souvent par des décès prématurés alors que des variétés des couleurs de pelages extraordinaires existaient chez les lapins, cochons d'Inde, rats, hamsters, chinchillas. »
« Ce fut un véritable succès. En 2003 : 100 m2… certains renonçaient à visiter le site tellement il était bondé ! Pour arriver en 2006 à 420 m2. La demande est vraiment très grande, et on a vu la montée du chinchilla qui a alors pris sa vraie place d'animal de compagnie. »
Santévet
Leader de l'assurance santé animale
Photos : Ph. Vanhée - rongeurs.net