Chiens et chats responsables de l’antibiorésistance ?

L’antibiorésistance est le résultat de l’utilisation d’antibiotiques, conduisant à la sélection de bactéries capables de leur résister.

L'émergence et la diffusion de souches de bactéries résistantes remettent en question l’efficacité des antibiotiques, chez l’Homme comme chez l’animal. En effet, ces bactéries résistantes peuvent passer des animaux aux humains et inversement, par contact direct ou par la chaine alimentaire ou l’environnement.

Lutte contre l’antibiorésistance : un enjeu majeur

La lutte contre l’antibiorésistance est donc un enjeu majeur, nécessitant une approche globale « One Health», une seule santé.

L’Agence nationale du médicament vétérinaire (ANMV), au sein de l’Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail), suit la vente des antibiotiques à usage vétérinaire et l’exposition des animaux à ces derniers depuis 1999.

Elle s’appuie pour cela sur les ventes de médicaments vétérinaires déclarées par les titulaires des autorisations de mise sur le marché (AMM).

La quantité d’antibiotiques vendus est en diminution constante, avec 415 tonnes d’antibiotiques vendues en 2020 en France, contre 422 tonnes en 2019. Ceci correspond à moins d’un tiers de la quantité d’antibiotiques vendue en 1999 (1 311 tonnes).

Cependant, le tonnage d’antibiotiques vendus ne rend pas compte de l’exposition réelle des animaux aux antibiotiques : cela dépend de la posologie du médicament, de la durée d’administration et de l’évolution des populations des différentes espèces animales considérées.

En tenant compte des recommandations d’emploi des médicaments étudiés et de l’estimation de la masse des populations animales, l’Agence a déterminé le niveau d’exposition des animaux aux antibiotiques.

Hausse de l’exposition des chiens et chats aux antibiotiques

L’exposition aux antibiotiques a diminué pour toutes les espèces depuis 2011. Cette diminution s’établit à - 11,8 % pour les chats et chiens.

Par rapport à 2011, début du plan Ecoantibio visant à diminuer le recours aux antibiotiques, l’exposition globale des animaux a diminué de 45,4 %.Cependant, depuis ces dernières années cette diminution semble avoir atteint une limite et l’exposition des animaux aux antibiotiques est stable voire en légère augmentation selon les espèces.

Ainsi, si elle a continué à diminuer entre 2019 et 2020 pour les volailles et les porcs (respectivement-9,7 % et -3,2 %), elle a augmenté pour les lapins (+2,5 %), les bovins (+2,9 %), ainsi que pour les chats et les chiens (+ 5,1 %).

Augmentation de l’utilisation des antibiotiques chez les animaux de compagnie : un effet du Covid ?

Entre 2019 et 2020, il a été observé une augmentation de 8,6 % du chiffre d’affaires pour les médicaments destinés aux chiens et aux chats.

Cette augmentation pourrait être due au Covid-19 et aux confinements. Plusieurs hypothèses sont avancées :

- les propriétaires ayant passé plus de temps avec leurs animaux, ils ont pu accorder plus d'attention aux signes indiquant une maladie.

- D’autre part, certains soins et interventions chirurgicales ayant dû être reportés, il est possible que certaines pathologies aient été prises en charge à des stades plus avancés qu’habituellement et aient davantage nécessité le recours à l'usage de traitements antibiotiques. Il est cependant trop tôt pour démontrer un lien clair de cause à effet. 

Antibiorésistance : vigilance pour les chiens, chats et chevaux

Depuis 1982, le Réseau d’épidémiosurveillance de l’antibiorésistance des bactéries pathogènes animales (Resapath) fédère un réseau de 71 laboratoires d’analyse vétérinaires qui participent à ce suivi des résistances de manière volontaire. Les laboratoires envoient à l’Anses les résultats de tests de résistance aux antibiotiques réalisés à la demande des vétérinaires dans le cadre de soins.

51 736 antibiogrammes ont été collectés en 2020. Parmi les espèces les plus représentées : les chiens (27,3 %) et les chats (10,8 %).

Le suivi porte principalement sur la bactérie Escherichia coli, considérée comme indicatrice de l'évolution de l’antibiorésistance car elle est un réservoir connu de gènes de résistance, qu’elle peut transmettre à d’autres bactéries.

Il ressort que la résistance aux antibiotiques dits d’importance critique reste basse. En revanche, le taux de résistance aux antibiotiques a diminué de façon plus ou moins forte selon les filières et les antibiotiques depuis le début du suivi. Cette baisse se poursuit chez les volailles, les porcs et les bovins. Cependant, la tendance s’est inversée depuis 2 ans chez les chiens, les chats et les chevaux.

Cette augmentation est particulièrement marquée pour l'amoxicilline et l'amoxicilline-acide clavulanique : par exemple, le taux de souches résistantes à l'amoxicilline chez les chats, qui était de 30 % en 2018, est passé à plus de 40 % en 2020. Le phénomène est donc à surveiller.

Les bactéries sont dites multirésistantes lorsqu’elles sont insensibles à plus de trois antibiotiques testés.

Le développement de la multirésistance peut conduire à des impasses thérapeutiques, lorsque plus aucun médicament n’est efficace contre une souche de bactérie.

Quel rôle jouent les chiens dans la diffusion de l’antibiorésistance ?

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Meilleur ami de l’Homme, le chien pourrait-il nous transmettre des bactéries résistantes aux antibiotiques ? La question est encore de nos jours peu documentée.

Le projet coordonné par l’Anses baptisé DYASPEO (Dynamique de la propagation, de la persistance et de l'évolution de l’AMR entre l’Homme, les animaux et leur environnement) propose d’y répondre. D’une durée de six ans, il s’appuiera sur une étude épidémiologique auprès de 500 chiens et des membres de leur foyer.

L’objectif est d’étudier la possibilité de transfert, entre les chiens et les humains, de bactéries de l’intestin résistantes à deux types d’antibiotiques, les céphalosporines à spectre étendu et les carbapénèmes, une sous-classe d'antibiotiques.

Les facteurs de risque d'acquisition, de persistance et d’évolution de ces bactéries seront déterminés. Pour cela, le projet associe des spécialistes en médecine humaine et vétérinaire, en sciences sociales, en génomique, en mathématiques et en modélisation.

Outre l’Anses, les partenaires sont l’École vétérinaire d’Alfort, l’Assistance Publique-Hôpitaux de Paris, l’Inserm, le CNRS, l’université de Clermont-Ferrand et l’Institut Pasteur.

Les résultats de l’étude pourraient conduire à une évolution des stratégies de contrôle de la transmission de l’antibiorésistance au niveau européen, pour mieux prendre en compte le rôle des animaux de compagnie.

Source : Anses. Jean-Yves Madec, directeur scientifique sur l’antibiorésistance et responsable du Resapath (Réseau d’épidémiosurveillance de l’antibiorésistance des bactéries pathogènes animales), Gérard Moulin, directeur adjoint de l’Agence nationale du médicament vétérinaire (ANMV) et Agnès Perrin-Guyomard, responsable adjointe du Laboratoire national de référence sur la résistance antimicrobienne.

« Les antibios, comme il faut, quand il faut » : une nouvelle campagne de sensibilisation

Le jeudi 18 novembre 2021, à l’occasion de la Journée européenne d’information sur les antibiotiques et de la Semaine mondiale pour un bon usage des antimicrobiens (18 au 24 novembre), le ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation lance une grande campagne de sensibilisation à l’antibiorésistance en direction des éleveurs et des propriétaires d’animaux de compagnie : « Les antibios, comme il faut, quand il faut. »

Pour le monde de l’élevage et des animaux de compagnie, la lutte contre l’antibiorésistance se traduit par deux objectifs :

- diminuer l’exposition des animaux aux antibiotiques et tendre vers une optimisation de leur usage afin de limiter le risque d’apparition de bactéries résistantes ;

- préserver ainsi l’efficacité des traitements vétérinaires.

En France, la lutte contre l’antibiorésistance dans le domaine de la santé animale est matérialisée par le plan Ecoantibio. Cette politique, lancée en 2012, clôturera l’année prochaine son deuxième programme d’actions débuté en 2017.

En 9 ans, Ecoantibio a permis de réduire de 53,3 % le volume d’antibiotiques vétérinaires vendus, et de réduire de 45,3 % l’exposition des animaux aux antibiotiques, toutes filières animales confondues.

Plus de 200 projets de recherche ont par ailleurs été financés (développement d’outils pour les professionnels, recherche appliquée, formations, etc.).

A travers la campagne de communication « Les antibios, comme il faut, quand il faut » faisant suite à celle ayant pour thème « Les antibiotiques, pour nous non plus, c’est pas automatique », le ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation souhaite sensibiliser les éleveurs et propriétaires d’animaux de compagnie à certaines des bonnes pratiques permettant la prévention des maladies bactériennes :

- l’amélioration des conditions de vie des animaux,

- l’adoption de meilleures pratiques d’hygiène,

- et la vaccination des animaux.

 

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Photos : 123RF