Les vétérinaires et la prise en charge de la douleur

Le Dr Thierry Poitte, vétérinaire, a fait de la prise en charge de la douleur son cheval de bataille. En créant le réseau CAPdouleur (pour Change Animal Pain), il entend pouvoir offrir à ses confrères une meilleure connaissance des pratiques analgésiques et les outils pour y parvenir. Un projet, à base de formations accréditantes, d’une charte et d’une certification potentielle, qui séduit de plus en plus ses confrères.

Le Dr Thierry Poitte, vétérinaire, a fait de la prise en charge de la douleur son cheval de bataille. En créant le réseau CAPdouleur (pour Change Animal Pain), il entend pouvoir offrir à ses confrères une meilleure connaissance des pratiques analgésiques et les outils pour y parvenir. Un projet, à base de formations accréditantes, d’une charte et d’une certification potentielle, qui séduit de plus en plus ses confrères.

SantéVet : Qu'est-ce qui vous a incité à vous intéresser à la problématique de la prise en charge de la douleur en médecine vétérinaire au-delà du bien-être animal ? Cette notion de prise en compte de la douleur semble aussi désormais très prégnante en médecine humaine, comparée à une autre époque ? 

Thierry Poitte CapDouleur

Dr Thierry Poitte : Les centres d’intérêt scientifique propres à chaque praticien sont souvent le fruit d’expériences personnelles et de rencontres déterminantes avec des personnalités talentueuses et altruistes. J’ai eu la chance de rencontrer des médecins et des vétérinaires remarquables.

La douleur, sujet universel, éthique, scientifique, philosophique et sociétal s’intègre parfaitement dans le concept One Health en rapprochant les médecine humaine et vétérinaire ; tous les praticiens sont d’accord sur ce point : un être vivant, quel qu’il soit, guérit plus vite en l’absence de souffrance.

  

« Depuis quelques années, les vétérinaires mesurent davantage l’enjeu d’une prise en charge améliorée de la douleur. »

  

SantéVet : Est-ce que la notion de prise en charge de la douleur est finalement assez récente en France ?

Dr Thierry Poitte : Depuis quelques années, effectivement, les vétérinaires mesurent davantage l’enjeu d’une prise en charge améliorée de la douleur : les conférences CAPdouleur, l’EPU Analgésie de l’île de Ré ainsi que des formations douleur intra-cliniques ou à destination de GIE ont rencontré un vif succès (700 vétérinaires à ce jour) avec une appropriation rapide des connaissances et des outils innovants proposés : consultation douleur, méthodes d’évaluation numérique, approche phénotypique de l’arthrose, alliance et éducation thérapeutiques…

La demande est croissante : nous nous adaptons à la richesse des actualités en analgésie en proposant dorénavant un parcours de formation : CAPdouleur niveaux 1 et 2, formations complémentaires en ligne du Réseau CAPdouleur.

 

SantéVet : D’autres pays sont-ils dans ce domaine plus en avance que nous ? S’y sont intéressés plus tôt ?  Et qu’ont-ils proposé et mis en place dans ce domaine ? Vous en êtes-vous inspiré ?

Dr Thierry Poitte : Les vétérinaires des pays anglo-saxons se sont peut être investis plus tôt. Mais ils rencontrent actuellement plusieurs obstacles à la prise en charge des douleurs chroniques : difficultés d’évaluation des praticiens et défaut d’observance des propriétaires.

Nos confrères dépassent ce constat : ils souhaitent progresser dans les nouvelles techniques analgésiques reposant sur les perfusions à débit constant, l’utilisation des co-analgésiques, les anesthésies loco-régionales, la physiothérapie…

Le défaut d’observance est un tort partagé entre le praticien et le propriétaire : Repenser la relation client dans le nouveau paradigme de l’Alliance thérapeutique permet un suivi de qualité, autorisant une médecine personnalisée, affinée et adaptée régulièrement au patient douloureux.

 

« Il faut changer le regard sur la douleur et ne plus la considérer comme un symptôme, mais comme une maladie. »

SantéVet : En quoi consistent les formations qui ne sont qu’une étape de votre projet ?

oscultation chien veterinaire

Dr Thierry Poitte : Les formations CAPdouleur (Change Animal Pain) proposent un changement de regard sur la douleur animale par :

  • Une prise en charge médicale reposant sur les principes de l’analgésie raisonnée et protectrice pour tenir compte de l’approche mécanistique de la douleur mais aussi de la vulnérabilité propre à chaque animal souffrant.
  • Une évaluation de la douleur optimisée par le développement d’outils numériques (web applications, collier connecté) facilitant le recueil des données et leur archivage.
  • Une organisation managériale (vétérinaire et ASV référents douleur), source d’efficacité et donnant les contours d’un projet d’équipe.
  • Une nouvelle relation client entraînant le praticien dans le nouveau paradigme de l’alliance thérapeutique, clé d’une meilleure observance.

Les formations Douleur sont accréditantes : elles donnent droit à des points de formation continue ECTS (European Credit Transfer System)

Les  formations Douleur sont susceptibles d’être prise en charge par le FIF-PL.

 

SantéVet : Où en est votre projet de créer un réseau de praticiens engagés dans la lutte contre la douleur ; ou en est la charte et la certification ? Quel « plus » cela apporte-t-il ? 

Dr Thierry Poitte : Le Réseau CAPdouleur ambitionne de regrouper et de faire travailler ensemble les vétérinaires intéressés par les sujets de la douleur et du bien-être animal.

Le Réseau CAPdouleur est un espace ouvert à tous les praticiens (généralistes et spécialistes), souhaitant actualiser la prise en charge de la douleur par des moyens pharmacologiques et des approches non pharmacologiques.

 Les services proposés par le Réseau sont nombreux : bibliothèque analgésie actualisée, procédures téléchargeables, guide de Recommandations pour la Pratique Clinique, formations accréditantes en ligne (E-learning, MOOC, SPOC, cas cliniques interactifs), veille scientifique, outils numériques d’évaluation de la douleur, forum et aide en ligne, recherche clinique observationnelle , audit douleur…

Des outils sont disponibles pour la mise en place de Consultations Douleur et d’Ateliers éducatifs Arthrose (Education thérapeutique).

Une identité visuelle (Vitrophanie, Charte, Pack de communication Internet) est proposée pour afficher l’appartenance à ce réseau.

Le Réseau apporte une dynamique de formation continue, enrichie par les échanges des membres et spécialistes associés : à court terme, il proposera au public des centres de référés acceptant des cas complexes de douleur chronique, pris en charge selon les techniques pharmacologiques ou non, développées par le Réseau dans le cadre d’une relation client empathique (Alliance thérapeutique).

 

SantéVet : Comment cela est-il perçu par vos confrères ? 

proprietaire avec son chat

Dr Thierry Poitte : L’adhésion au Réseau est proposée aux vétérinaires depuis le 17 mai 2016 [voir encadré, Ndlr].

Au 4 août 2016, nous avons 50 établissements de soins adhérents, soit plus de 160 vétérinaires inscrits, de la + petite structure (1 praticien) à la clinique de 10 vétérinaires associés. Les cliniques sont réparties sur toute la France et nous avons le plaisir d’avoir des inscrits en Belgique : http://www.capdouleur.fr/le-reseau/

Les profils sont très variés et reflètent la diversité de notre profession. En ce sens, ces premiers chiffres respectent parfaitement l’esprit du Réseau CAPdouleur, espace de partage des connaissances pour les vétérinaires généralistes et spécialistes.

 

« CAPdouleur est un réseau interdisciplinaire. »

 

SantéVet : Des liens semblent aussi avoir été tissés avec des intervenants en médecine humaine ? Cela faisait également partie de vos projets ?

Dr Thierry Poitte : Le Réseau CAPdouleur recherche l’interdisciplinarité avec les spécialités vétérinaires (médecine interne, chirurgie, cancérologie, physiothérapie...) mais aussi la transversalité avec la médecine humaine via l’Institut Analgesia, premier pôle européen de recherche et d’innovation contre la douleur.

De cette collégialité apparaît la nécessité de proposer un parcours de formation pérenne pour tenir compte des nombreuses actualités en analgésie et pour profiter de l’enrichissement des compétences rassemblées.

Les formations douleur synthétisent les connaissances en médecines humaine et vétérinaire, s’intègrent dans le concept One Health et abordent à la fois l’EBM (Evidence Based Medicine) et la PBM (Patient Based Medicine), en tentant de réconcilier ces deux approches.

Les vétérinaires sont accueillis à bras ouverts par les médecins, avec lesquels nous échangeons sur les avancées scientifiques et les techniques d’évaluation. Ils sont particulièrement intéressés par notre démarche auprès de la clientèle et souhaitent s’en inspirer pour que la douleur soit davantage prise en compte, notamment auprès des personnes non communicantes. C’est une formidable mise à l’honneur de notre profession.

 

SantéVet L'assurance santé animale prend en charge les frais vétérinaires liés au traitement de la douleur. Que pensez-vous des "mutuelles" pour animaux ? 

Dr Thierry Poitte : Les « mutuelles » pour animaux sont des partenaires de la profession vétérinaire et cultivent la proximité avec  leurs clients.

La prise en charge efficace des douleurs chroniques engage le propriétaire dans des visites régulières de suivi et dans les soins de physiothérapie. Tout ceci nécessite un accompagnement financier durable pour  améliorer la qualité de vie des animaux douloureux. 

 

SantéVet : Quels sont à terme vos objectifs et projets ?

Dr Thierry Poitte : D’intérêts conjoncturel et stratégique, CAPdouleur est un projet pour valoriser notre profession et en faire un acteur incontournable de la prise en charge de la douleur et du bien-être animal

Cet objectif sera atteint si nous persistons à proposer un contenu scientifique de qualité et si nous réussissons à fédérer le plus grand nombre de praticiens.

Notre souhait est de réunir fin 2017, 250 établissements de soins et de faire travailler ensemble plus de 1000 vétérinaires autour du sujet de la douleur.

 

Propos recueillis par Claude Pacheteau/SantéVet

  


CAPdouleur : un chantier de grande envergure reconnu et plébiscité

Logo CapDouleur

 

Le projet CAPdouleur a reçu le Prix de l’Ordre des vétérinaires, le 1er juillet 2015 : Initiative du Conseil supérieur de l’Ordre (CSO) visant à récompenser un confrère auteur d’un travail de recherche portant sur la déontologie, les devoirs professionnels ou l’honneur de la profession vétérinaire, ce prix a été créé en 2012 et est décerné tous les trois ans.

« Le président de l’Ordre, Michel Baussier, a indiqué que ce prix récompensait une démarche à la fois scientifique, éthique, managériale et de communication qui, dans un contexte de réforme du Code de déontologie vétérinaire, est tout à fait d’actualité », souligne le Dr Thierry Poitte.

« Ce grand chantier vise à conforter l’expertise de la profession dans la prise en charge de la douleur et du bien être animal », poursuit-il. « C’est un projet d’envergure et d’avenir, qui doit rendre incontournable notre profession dans les débats sociétaux portant sur la relation entre l’homme et l’Animal. »

Le Réseau se construit en associant tous les institutionnels de la profession : Ordre, Syndicat, Associations : AFVAC, AVEF, SNGTV…

« Je me réjouis du soutien des confrères et de l’accompagnement de nos représentants », conclut le Dr Thierry Poitte.

 

Pour en savoir plus 

Consulter le détail des formations à l’adresse suivante :

http://www.capdouleur.fr/prochaines-formations-douleur/

Santévet

Leader de l'assurance santé animale